Poésies
A Mohammed Al-Mourabiti
-I-
La
toile est venue à la maison
En quittant le giron de la terre
En elle la lumière était portée
Sur le bras de l’ombre
Et la mystique du caché
Couvrait la matérialité de l’apparent.
-II-
Dans
la toile la terre
Est la couleur au féminin.
-III-
La
jument que monte l’apparent
Dans ses pérégrinations à l’intérieur de la toile
Marche un chemin ombragé par les voutes du caché.
-IV-
Aimerais
tu être l’ami
De la toile d’al-Mourabiti ?
Il te faudra donc savoir
Comment donner à la technique une saveur naturelle
Comment être sensible et perméable
Comme si tu avais d’autres sens à l’intérieur de tes sens.
-V-
Ecoutez
la toile :
A l’apparent le caché parle en susurrant
Et à l’espace, en haussant le ton.
Contemplez-la :
Les couleurs ne semblent-elles pas habiter
La demeure du soleil
Ou la lumière est désir
Et l’espace un lit ?
Ne voyez-vous pas comment l’entre de la terre
Se dénoue, une écharpe
Sur les épaules de l’espace ?
-VI-
Interrogez
cette fleur de jasmin
Sur le blanc, le bleu, le rouge le noir :
Si mystérieuse soit la couleur
Les fleurs et les plantes la comprennent.
-VII-
Aimeriez
vous maîtriser cette lecture ardue
De l’unité de l’air, de l’eau, du feu et de la terre
Dans la toile d’al-Mourabiti ?
Il vous faudra donc apprendre à lire les traits du sol.
-VIII-
Dans
ce que vous contemplerez et lirez, vous verrez
Que l’identité de l’art chez al-Mourabiti
C’est aussi inventer sans cesse la sienne.
Comme s’il était le lieu
Qui porte la chemise de l’air.
-IX-
La lumière se couvre de la mystique de l’ombre
L’ombre se dénude sous la voûte de la lumière.
-X-
Vers
ou voyage ce tableau
En étreignant l’enfance de la matière ?
Dans le silence l’air bouge léger rapide l’air de l’aurore ou l’air de la colline d’où tu regardes la mer les plis de son eau éclairent bondissent tremblent dans la poitrine une chose dont tu ne sais pas le nom comme si elle était l’apparent – le non apparent un bruissement en qui les souffles se mêlent tu sens l’air se reposer sur tes avant-bras une tranche du jour dans tes yeux et toi tu es en présence du chaos
Tu ne demandes rien tu t’assois dans une chambre elle est pleine de lettres qui réchauffent les temps te voici à ta place tu prends le risque de regarder ce qui va sortir des lettres à la surface et au-delà de la surface cela sortira enflammé brûlant un soleil approche de midi là-bas le premier mot lève-toi un frisson dans tes deux mains une mouche bourdonne au-dessus de la tête tes yeux sont des gouffres
Mais toi tu ne veux pas dormir en fin de nuit des images arrivent et s’effacent des revenants successivement te rendent visite et toi tu bois à la source comme les nécessiteux de mots ont bu ton signe est d’être à jamais assoiffé dans la chaleur et le froid des insectes fourmillent dans la poitrine montent haut de plus en plus haut le néant seul partage avec toi la fin de la nuit
Que ta main prenne le stylo laisse-la trembler laisse les lettres lui donner le souffle écris le mot écris le différent courbe la tête vers la feuille ne regarde pas autour de toi du côté les fauves de toutes sortes difficiles à identifier en pleins jours ils dévorent les passants
C’est pourquoi tu glorifies le vide après l’arrivée des revenants dont la voix n’est ni la tienne ni la sienne une voix aux creux de la poitrine scintille elle ne fait de mal à personne une voix vaste proche éprise un nuage étend sur elle son ombre par toi c’est la voix qui hallucine dans la fin de la nuit tu n’as aucun pourvoir sur elle
Tu es parvenu jusqu’ici tandis que tes chemins se prolongeaient s’entrecroisaient dans le fini l’infini baisse ta voix l’écriture t’a apporté ce que tu ne sais pas la vie dans la mort la vie dans la vie une métaphore proche du silence
Mèche dans l’huile illumine
Traduction de Bernard Noël en collaboration avec l’auteur
Eternellement derrière
La sphère des astres fixes
Ou au centre de la terre
Dans le point ou la lumière
Est la nuit la plus profonde
Le discours se perpétue
Continuant la création
Toujours des propos nouveaux
Germant en champs de surprises
Car les cieux eux-mêmes changent
La terre qui nous semblait
L’immobilité suprême
Roulant dans la voie lactée
En complexes cycloïdes
De gauche à droite ou de droite
A gauche et de haut tournant
Autour de dômes funèbres
Images des cieux anciens
Avec leurs astres errants
Distributeurs d’influences
Ainsi tombe la rosée
Des langues et caractères
D’un bout à l’autre du monde
Qui depuis longtemps n’a plus
Ni de centre ni de bout
En des piscines de textes
Où nous lavons nos savoirs
Après les révélations
L’inspiration brûle encore
Indéfiniment ouverte
Croissant comme végétaux
Explorant comme animaux
Flairant et multipliant
Dans l’invention d’un éden
Perdu depuis tant de siècles
Et qu’il faut reconstituer
En changeant toutes les pièces
Pour accueillir
Notre foule
Dans l’espace fourmillant
Où la musique reprend
L’antérieur et son futur
Silence et cri songe et veille
Les inscriptions se rencontrent
Dans l’immensité liquide
Des essais et des questions
Volcans de la profondeur
Eparpillant étincelles
En paradis de l’étude
Les déesses d'ancienne Égypte
dénudaient leur sein pour nourrir
les pharaons dans leurs épreuves
car s'ils étaient égaux des dieux
dans leurs tombeaux pendant leur vie
ils étaient toujours des enfants
trébuchant au moindre caillou
sur le chemin de leurs années
Fruits tombant de l'arbre du corps
dans le verger du paradis
répandant leur suc dans nos veines
pour nous aider à retrouver
la vigueur de nos premiers ans
dans les jeux et dans l'adoption
du langage de nos parents
toujours à leur réinventer
Jadis les pèlerins d'Éphèse
dans la pénombre du grand temple
découvraient un mur de mamelles
ruissellement du lait des astres
s'écoulant sur toute la foule
entre les guerres des puissants
les inondations et les pestes
Outre de secours pour sauver
les caravanes empêtrées
dans les tempêtes des déserts
glissant sur les dunes traîtresses
à la recherche d'oasis
où la terre enfin s'entrouvrait
sur les jarres d'une poitrine
permettant la végétation
Souple coffre-fort qui saura
déchiffrer ton code et tes runes
pour nous permettre d'explorer
les trésors de tes galeries
monnaie liquide et nourricière
musée de la première enfance
que nos caresses redécouvrent
dans les flammes de nos baisers
L'encre des souvenirs descend
jusqu'au téton de nos outils
pour gribouiller ce que nos têtes
retiennent d'un vieil âge d'or
pour inscrire sur le papier
les oracles que nous tentons
de traduire avec nos musiques
dans le silence des questions
Ile au milieu de l'océan
devenu sans dessus dessous
refuge après les grandes vagues
plage de sable où se réveille
Ulysse après tous ses malheurs
accueilli par Nausicaa
qui lui donne de l'eau de source
avant de lui montrer son père
Étapes sur notre périple
de ville en ville et d'âge en âge
plongeoirs et pistes sur la neige
ou sur l'ambre l'or ou l'ébène
qui sommes-nous d'où venons-nous
où allons-nous dans l'éclaircie
qu'apporte le dévoilement
du torse de réalité
Venez découvrir avec moi
Dans la ville où je vous promène
les couples des marabouts
les paraboles des télés
les poussières de la montagne
le grouillement des écritures
Le balancement des palmiers
Les entrelacements des ombres
Venez explorer avec moi
De l’autre côté des campagnes
Les villages escaladant
Les falaises de sable pourpre
et les psalmodies des enfants
Recopiant le texte d’hier
Sur les tablettes décorées
Des rêves des fêtes nouvelles
Venez travailler avec moi
Dans l’atelier que je vous offre
Nous ferons dialoguer ensemble
Des compagnons inattendus
Dans une lumière nouvelle
Qui fera changer de couleur
nos yeux nos mots et nos sourires
pour franchir la crise et la nuit
Venez regarder avec moi
De l’autre côté de la toile
Odeurs et saveurs des vergers
Echos rimes prémonitions
Une agitation prophétique
De voiles nettoyant l’espace
Pour l’épanouissement des roses
Sur les lèvres du lendemain
Hommage à Sid Ahmed Ou Saïd
Au pays âcre fiancé au silence
Une lueur pâle clignant sous le soleil qui darde
Un dôme blanc, éminence fragile.
Signe de piste altière
A l’intérieur, pollen pour les humbles.
Une sentinelle du milieu, une main bénissante
Un voyant des confins, un scrutateur des coeurs
Ardent au pacte cordial et au sourire qui guérit
Au croisement de ce qui monte et de ce qui descend
Il fut un semeur
Un homme digne du nom d’homme
Un guerrier vaillant et doux voyageur accompli à la borne parfumée
Au pays dru et amer
Sous le dôme opalescent, tumulus d’estime
Une étoile polaire gît sous la chaux
L’homme, de haut lignage, était insoucieux de ce qui périt
Intime de l’ici et de l’ailleurs
Le voici, pilier et témoignage pour ses semblables peu endurants
Le bruit et le silence
Sur nos têtes s’agrègent, toile folle des oreilles de métal
A travers le ciel confus passent jour et nuit
Fadais, niaiseries et balivernes
Messages, logogriphes et signes brefs d’éveil
Ce grouillement d’ondes, volée de maléfices criards.
Venu des chambres d’écho de l’absurde et du discord.
Nourrit l’exil d’un public avide et fourrageur
Et enfièvre le troupeau ego-grégaire
Qui peut endurer longtemps
L’éclat mat
Du frisson d’avant le bruit ?
Qui peut se tenir sans blêmir
Face au tréfonds du plus haut ciel ?
Heureux les puisatiers et les orants
Heureux les poètes mutiques de l’in-ouï
Vulnérables et nus
Car au tison du silence se montrent les astres en gésine
Mourabiti, peintre.
Il a établi tout au long de son périple
Au gré des fusion et des ruptures
Au gré des luminosités et de l’éphémère
Au gré du caché et du manifeste
Chacune de ses étapes comme instance
Où s’achève l’exil et commence l’éveil
Un sanctuaire avec merlons d’angle
Croise son chemin en dispositif nomade
Il lui arrive de le couvrir d’un nuage
Mais pas l’horizon ni la destination première
Ni son rappel aérien dans l’ourlet des paraboles
— tant le lieu comble d’immédiateté de soi
d’espace sacramentel de songes visités
il convertit l’errance en quête de lumière
et le ciel y est subitement inversé
pour une verticalité bien ostensible
dans l’orbite décalée de l’univers
il s’offre au milieu des silences solennels
dans ce bleu où s’estompe l’idée d’appartenance
où l’ombre se résume à des touches bohémiennes
il a des murs crénelés et texture pétrie
dans la matière purifiante de la terre
humectée au quotidien de la rosée céleste
le peintre s’y souvient d’étoiles ascendantes
régies en altitude de sceaux talismaniques
d’autres codes s’exécutent en écriture stellaire
pour d’autres floraisons aux images flottantes
en essence comme en éclosion médiatrices
d’esquisses inspirées pour dessiner le monde
Séquence X-1
et maintenant comment s’en aller de maintenant vers maintenant
le passé on le sent fut porteur mais que peut porter le présent
à peine un pas un autre et déjà une ombre a remplacé le sol
on ferme les yeux pour les rouvrir sur un ailleurs qui n’est pas là
on tire la langue et pas de peau d’amour rien que des illusions
les images ont pourri la réalité pourri la tête aussi
le monde est sans épaisseur les corps de même juste des surfaces
partout des écrans ouvrent leurs poches vides et l’absence dedans
chacun rêva d’abord d’y loger une âme et son levain d’enfance
mais le mieux désormais est d’en finir avec la chose intérieure
la vie pourra ainsi oublier toute la vieille solitude
tandis que le superficiel et son néant seront la valeur
le cerveau digère mal cette plate pensée qui l’empoisonne
faut-il laisser pencher le monde vers son désordre naturel
et retrouver tout au fond l’humain penchant à la servilité
de tous temps le désir de se faire une raison ne fut qu’un masque
mais le chaos détruit enfin le sens et la pauvre expérience
Séquence X-2
voici que la main veut que toute la vie redevienne physique
ici puis là elle tâte l’espace entre la chose et les mots
ne trouve rien désespère de l’état de la réalité
que sont devenus le lien et la nécessité comment savoir
le corps s’en souvient sûrement mais ne sait ce dont il se souvient
la main cherche quel excitant pourrait réveiller son souvenir
il faut pense-t-elle lui présenter sa prochaine pourriture
du haut en bas elle tente aussitôt des palpations sinistres
ses doigts pianotent sur chaque organe des soubresauts d’agonie
mais que peut la viande quand elle sent si proche l’abattoir
la révolte toujours bataille pour rien contre le dernier souffle
instinct de vie instinct de mort se valent devant la fin prochaine
on les trouve au même prix sur le marché de la démocratie
la vérité s’y vend d’ailleurs au tarif de la simulation
il vaudrait mieux piéger le secret caché là-bas sous la langue
si je savais l’attraper se dit la main je parlerais enfin
mais qui n’a d’autre droit que de servir n’a jamais droit à davantage
Séquence X-3
la langue a nettoyé la vie le corps proteste mais que peut-il
il ne sait pas jouer d’être le porte vie et le porte mort
sa seule élégance est d’appeler chair son épaisseur viandeuse
pourtant jamais de puanteur cadavérique entre mot et sens
les déchets du vocabulaire et de la pensée n’ont pas d’odeur
il est vrai que tout est momifié vivant par la nomination
ainsi va-t-on d’un jour à l’autre dans la pure mentalité
il est temps d’oublier un peu tout cela et de quitter l’enfer
la lune va ce soir mettre une lueur blanche au bord des visages
la langue dormira dans ce laitage au milieu d’images pâles
puis elle pincera la petite fissure entre bien et mal
cependant qu’elle aura fait de la mémoire un paisible oreiller
le jour finira par venir quand même avec ses éclats ses ongles
on sera soudain heureux d’être vivant et de tenir la rampe
les mots bien empilés font après tout d’assez bons escaliers
manions-les comme on manie les choses tout ira pour le mieux
le monde brusquement se baigne dans les yeux et oublie son nom
Séquence X-4
maintenant tu sens que rampe sous ta langue une langue inconnue
que rampe le vieux désir de balbutier ce qui n’a pas de mots
tu veux mordre le mouvement du jour manger cru le silence
une rumeur venue d’en bas ricane autour de ta poitrine
peut-être le souvenir d’un son que rien ne sut articuler
l’attente est longue d’un élan qui rebondit contre le dos
tout se fracasse brusquement et jette là-haut un jet de souffle
on ne sait pas fouiller le corps comme les strates de la terre
le temps s’est retiré en laissant traîner des signes illisibles
le regard démuni n’a pas les moyens de sonder ces abîmes
il revoit en secret des parois peintes et les croit sous ses os
comment faire sourdre de là un oubli qui ne le serait plus
mais à quoi bon déterrer ce que l’oubli a caché sous le temps
nul ne veut plus voir surgir le paradis la pomme et le déluge
qui n’aimerait cependant mettre son oeil dans le divin triangle
pour voir le tri que font en bas les ombres parmi les vieilles cendres
on ne sait pas quel membre s’ajouter pour voir l’avant dans l’après
Séquence X-5
il faut maintenant découdre la cicatrice du mal vécu
ouvrir ainsi dans la bouche battue le refus des servitudes
il faut que les cris rentrés depuis toujours soient poussés à la fois
et que leur beau vacarme éventre toutes les restrictions mentales
autant vomir enfin ce que l’humain avala contre lui-même
l’espèce la plus évoluée est à la fois la plus soumise
est-ce un pli de l’évolution ou bien l’effet de l’ économie
on sent qu’un piège est tendu jusque dans la syntaxe qui dénonce
sinon comment expliquer le progrès devenu régression
la prise de conscience n’est-elle pas minée de l’intérieur
dans la mesure où la langue sait recoudre ses propres blessures
il faut qu’elles demeurent à vif pour proclamer les impostures
au lieu de laisser la peau se refermer sur ses pauvres défaites
pourquoi l’individu n’est-il plus rien dès qu’on en fait le tout
le sort commun est aujourd’hui cerveau disponible et solitude
le pouvoir sait l’art de pousser la révolte à s’auto consommer
il lui suffit de s’emparer des yeux pour tenir toute la tête
Séquence X-6
l’inconnu souvent est sous les yeux mais le proche est vu familier
il faut donc interroger souvent ce qui se cache dans le corps
ce que nous cachent ses mouvements naturels et quotidiens
le langage aussi nous trompe tant ça triche sur le lieu central
pas de mot plus pratique pour dire ce dont ÂME fut le nom
mais ce mot lache à présent sous lui un trop plein de sens faisandé
on aimerait pourtant qu’il survive à son emploi surnaturé
qu’il prenne de l’organique et soit en nous un bon transformateur
l’oeil cherche son lien avec la bouche et veut refaire le trajet
celui qui fit jaillir des sons à la vue de telle ou telle image
l’origine est un rêve toujours en train de naître au fond du corps
et ce fond est un dépôt de langue où le secret reste illisible
pourquoi l’incarnation glisse-t-elle toujours vers sa propre perte
nos organes vivent entre eux sans nul souci de notre figure
l’unité s’est perdue son chemin n’était pas jalonné de mots
à présent un flot d’images vient par là occuper notre tête
descend bientôt jusqu’au coeur puis mange vite en nous toute la vie
Séquence X-7
les mots qui devaient changer la vie servent à faire le contraire
nous sommes déroutés par ces contre sens qui gâchent la parole
quel genre donner à nos actes si tous les mots les dénaturent
la pensée en oublie qu’elle est piégée par son bon déroulement
piégée aussi par sa matière suée par la raison commune
ce qui gâte un mot n’est pas flagrant par de visibles pourritures
la bouche n’avoue pas les avanies que subit la peau du sens
le pouvoir falsifie les mots avant d’en garantir la justesse
la réalité devient chaque jour plus virtuelle et donc mouvante
le poème est mal vu s’il fait ce genre de constat politique
à quoi bon toujours lécher ce qui lui vaut posture et privilège
quand débordent mensonge ordure trahison et puanteur basse
le dégoût renvoie chacun chez soi et fait ainsi le jeu de l’ordre
isoler l’un de l’autre crée le vide propice à l’oppression
le corps est alors le seul refuge et le seul lieu de résistance
car l’ensemble des organes devenu enfin conscient de soi
unit le sensuel et le mental pour nous armer de nudité
Toute peinture est l’histoire d’une solitude
Traçant les limites du rire et de la vie
Celle d’une enfance râpée
Rompue aux légendes assassines
A portée de nos douleurs glacées
C’est une mémoire en souffrance
De pierres en chute libre
D’hécatombe et de morsures de serpents
Le venin marche en nous
En cercle convulsionnés de bave
Et de ruptures
Demain
Est si proche déjà
Si loin dans nos mémoires
Confondu avec le crépuscule
De nos lamentations
Sur le fil ténu de nos tempêtes
La perpendiculaire du destin
Tombe droit
Comme les averses d’hivers
Par temps de grisaille
Quand Marrakech s’habille d’ocre
De vert
D’or et poussière
De sombres exils
Posés sur les flancs de l’Atlas
Poudré de blanc
Et de désillusion
La nuit marche sur nous
En cadavres précaires
Telle une couleuvre de boue et de suite
Nuit blanche
Brutale
Et de ciel de deuil et de sang
Qui tombe sur nos cadavres
Brouillard et séisme des labyrinthes
Bâillons de l’enfance saccagée
Flétrissures chevillées à nos obsessions
Nos rires tracés aux larmes
De la lassitude
Nos carcasses en ruines
Entre marécages et soleils de calvaire
Nos souffles brisés contre le récif
Notre regard enclavé
Sombre
Sculpté dans la moisissure
Pour les siècles passés
Les siècles passés à venir
Repliés sur l’ombre grise
De l’attente
La même légende des orchidées
Le sang vierge de nos vertiges
Nos chuchotements giclés dans la peur
Nos violences
Nos crachats amers
Nos visages striés par la rupture régulière
Du temps
Nos erreurs
Et nous
Noirs fantômes confondus
Et sacs de chardons
Avis des d’ivresse
Et d’agitations frénétiques
Ils ont baissé le rideau
La scène circulaire est vide
Leurs muezzins hurlent dans la nuit morte
Les signes n’ont duré que le temps d’une saison
Sur notre terre avortée
Notre histoire blanche
Inscrite dans la légende des mythes convulsionnés
Le spectacle est ailleurs
Traçant les limites de notre rire
Dans la clarté torride de leur silence
La chute
La transe sous le dôme
L’orgueil rouillé de leurs cadavres
Ces hommes crépusculaires
Portant le masque du crime
Sur leurs visages
Dressés contre notre propre soif
Et lampant la ciguë
A la santé de notre désastre