Fragments de mémoire avec Abla Ababou

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Portrait par Kamal Ait

Parle-nous du cheminement de ton travail.

Je constate l’évolution de mon travail à travers ses formes architecturales et les traces de la mémoire qu’il reflète. Je suis profondément marqué par la spiritualité car je crois beaucoup à la culture des religions en commençant par la mienne. La représentation de mes marabouts cherche à montrer une part de notre patrimoine. J’aime les messages de sérénité, d’espoir et d’amour que véhiculent ces coupoles disséminées à travers notre pays. En revanche, je ne supporte pas les dogmes qui donnent à la spiritualité une rigidité quasi-militaire, totalement contradictoire avec la foi qui est avant tout une croyance intime.

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Portrait par Kamal Ait
Décris-nous ton atelier

Mon atelier est mon sanctuaire et mon oxygène. Même quand je ne peins pas j’ai besoin d’y venir, surtout le soir, pour me ressourcer. Le reste de la maison, une enfilade de pièces, est une continuité de mon atelier car je cherche à cultiver un art de vivre propre à la méditation. J’ai besoin d’évoluer dans un cadre de vie qui est une continuité de mon travail où domine l’esthétisme. Je m’inspire aussi beaucoup de la demeure de ma grand-mère, un lieu de rencontre et de profusion.

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“L'art est une nécessité car il est vecteur de développement de l’humanité.”

Mourabiti

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Portrait par Kamal Ait

Pour toi le regard des autres…

Je m’intéresse au discours de ceux qui savent interpréter mes toiles avec un véritable langage plastique. Un critique d’art peut influencer mon travail et même le remettre en question. En revanche, les remarques sans arguments, qu’elles soient dithyrambiques ou sévères, me laissent indifférent car un regard demeure subjectif. Je reste convaincu que ma démarche plastique conserve une certaine authenticité et sincérité ce qui me permet d’avancer en me frayant mon propre chemin.

Comment en es-tu venu à la création ?

L’essence même de l’homme est dans la création. Dès l’âge de six ans je dérobais des feuilles de papier à mon cousin pour dessiner. J‘utilisais alors du charbon et de l’encre bleue versée dans nos encriers d’écoliers. A l’époque, j’aimais beaucoup les taches et les formes indéterminées. J’étais aussi très bricoleur et imaginatif et passais beaucoup de temps à brancher des fils et à assembler divers matériaux. Je me souviens encore de toutes les décharges électriques que je recevais. Je pense que nous sommes tous dans la création à un moment donné de notre vie sans en prendre conscience. Ce manque de lucidité finit par tuer dans l’œuf nos capacités artistiques. A l’adolescence, j’étais convaincu de ma vocation artistique.

L’un de mes professeurs de collège, ayant remarqué cette sensibilité m’a pris sous son aile en me communicant les rudiments académiques de la peinture. Par la suite je deviens son assistant car il réalisait beaucoup de fresques au sein du collège Moulay Youssef. Cependant, au moment de m’orienter, à l’âge de seize ans, vers des études d’arts plastiques mes parents posèrent leur véto. A ce moment j’ai perdu l’espoir de devenir un artiste peintre à part entière. Je n’ai pas pour autant renoncé à cette passion en m’aménageant régulièrement des pages de créativité. En 2000 le peintre Mellakh me donna l’opportunité de participer à une exposition collective aux côtés d’artistes reconnus comme Hannaoui, Rahoule et Hariri. A partir de 2001, j’ai commencé à vendre mes toiles qui ont rencontré un certain succès. Cela m’a donné le courage de démissionner de mon poste de directeur technique et commercial dans une société casablancaise alors que j’avais commencé dans le monde professionnel comme coursier. Cap vers Tahannaout où j’ai créé la résidence d’artiste « al Maqam », allusion au fait que je considère que chacun de nous travaille sur une gamme et une mesure pour arriver à un certain équilibre de vie.

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Quelles sont les idées que tu défends à travers ton art ?

La sincérité,

la liberté

et la postérité. 

Mourabiti

Mohamed Mourabiti © 2021

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Mohamed Mourabiti © 2021

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